Dans une tribune publiée dans Le Figaro le 14 mars, signée par 110 cancérologues et hématologues français, les professeurs Dominique Maraninchi et Jean-Paul Vernant dénoncent le prix des nouveaux médicaments contre le cancer.
Des médecins américains, rapportent-ils, ont exprimé leurs inquiétudes devant les prix des nouveaux médicaments anticancéreux, qui sont passés de 10 000 à plus de 120 000 dollars par patient et par an en une quinzaine d'années.
Des dizaines de millions d'Américains qui ne bénéficient ni d'une aide de l'État ni d'une assurance santé personnelle ne peuvent pas profiter de ces progrès thérapeutiques. Ceux qui sont détenteurs d'une assurance santé peuvent avoir à s'acquitter d'un « reste à charge » de 25 000 à 30 000 dollars par an.
Longtemps, l'industrie pharmaceutique a calculé le prix d'un médicament en fonction de l'investissement qu'elle avait consacré à la recherche et au développement de celui-ci. Or, aujourd'hui, les prix des nouveaux médicaments explosent alors que ces coûts ont diminué. « Alors que les anciens traitements du cancer étaient souvent issus de longs et difficiles screenings plus ou moins systématiques, les nouvelles molécules (...) visent des cibles définies a priori, et le plus souvent fournies par la recherche publique.
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« Par ailleurs ces nouveaux traitements bénéficient d'autorisations de mise sur le marché (AMM) très rapides, donc leur temps de développement est beaucoup plus court qu'auparavant.
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« Mais, se défend l'industrie pharmaceutique, ces prix sont à la hauteur de l'efficacité des traitements et de l'amélioration des services rendus, un investissement pour de moindres dépenses, en quelque sorte. Outre que beaucoup de ces innovations ne présentent pas un bénéfice qui justifie de telles assertions, on peut se demander si, même quand l'efficacité est majeure, cela autorise en soi de tels excès. Le prix des antituberculeux apparus au milieu du XXe siècle n'a heureusement pas été défini en fonction des années de sanatorium et des morts évitées.
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« En réalité, les prix des nouveaux traitements du cancer sont déterminés par l'idée que les industriels se font de ce que les marchés sont capables de supporter. Cela explique les écarts de prix très importants observés d'un pays à l'autre et permet également de comprendre pourquoi l'Imatinib (Glivec®), traitant de façon très efficace la leucémie myéloïde chronique a vu son prix passer aux États-Unis en quinze ans de 30 000 à 90 000 dollars par an, sans que le service médical rendu ait été amélioré.
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Au Royaume-Uni des traitements efficaces sont aujourd'hui déremboursés à cause des dépenses qu'ils engendrent.
« Des menaces réelles pèsent sur l'équité d'accès des patients aux traitements innovants des cancers, comme sur la pérennité de notre système de santé solidaire, d'autant que cette inflation déborde maintenant largement le champ du cancer et touche d'autres médicaments innovants comme ceux de l'hépatite C.
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Les signataires proposent :
- de définir un juste prix pour les médicaments du cancer, basé sur les sommes investies par les industriels pour la recherche et développement auquel s'ajouterait un retour sur investissement raisonnable ;
- de rendre le système d'arbitrage des prix plus démocratique et transparent ;
- de ne plus accepter les extensions de durée des brevets que la rapidité du développement des nouvelles thérapeutiques ne justifie pas ;
- d'autoriser, comme cela existe déjà pour les traitements du sida et des infections opportunistes, l'utilisation de licences obligatoires pour les pays en développement, qui leur permettent la production et l'utilisation de génériques avant même que les brevets ne tombent dans le domaine public.
Psychomédia avec source : Le Figaro.
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