Cette étude « remet en cause l’idée selon laquelle nous sommes complètement coupés du monde lors du sommeil, incapables de recevoir ou d’envoyer des informations à notre environnement
», souligne le communiqué de l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Pour faire avancer la recherche sur les rêves, Karen R. Konkoly de la Northwester University (États-Unis) et ses collègues de quatre laboratoires indépendants se sont tournés vers les « rêveurs lucides », des personnes conscientes de rêver lorsqu’elles rêvent et, pour certaines, capables d’influer sur le scénario de leur rêve.
Des études précédentes ont notamment montré que ces rêveurs étaient capables d’informer de leur lucidité et donc du début et de la fin d’une tâche prédéfinie réalisée en rêve (par exemple, retenir sa respiration), grâce à un code oculaire préalablement appris. Cette communication était cependant à sens unique, seul le rêveur étant à même d’envoyer un signal qu’il a conscience qu’il rêve.
Pour tenter d'établir une communication à double-sens, l’équipe française « a d’abord fait appel à un rêveur lucide très expérimenté. Les chercheurs ont utilisé différents types de stimulations, comme des questions ouvertes posées à voix haute : “est-ce que tu aimes ci ou ça ?”, des stimuli tactiles (tapotements sur la main à compter) ou encore des tâches de discrimination sémantiques (distinguer des mots simples comme “haut”, “bas”…). Le sujet endormi devait ensuite répondre à ces questions en contractant les muscles de son visage (par exemple en souriant pour dire “oui” et en fronçant les sourcils pour dire “non”).
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« Le sujet était capable de répondre à un certain nombre de ces stimulations alors qu’il était endormi. Au réveil, il a rapporté que la voix de l’expérimentatrice survenait comme une “voix divine” au beau milieu de son rêve, dans lequel il faisait la fête avec des amis.
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« Nous avions donc une première preuve de concept qu’un dialogue avec un rêveur est possible. Nous nous sommes alors aperçus que plusieurs autres laboratoires dans le monde conduisaient des expériences similaires. Dans notre équipe, nous menons nos études avec des sujets narcoleptiques car leur accès au sommeil paradoxal, au cours duquel le rêve lucide se produit, est privilégié, mais d’autres réalisent leurs expérimentations sur des sujets sans troubles du sommeil
», explique Delphine Oudiette, chercheuse Inserm à l’Institut du cerveau (Inserm, AP-HP, Sorbonne université, CNRS).
« Les différents groupes, français, américains, allemands et néerlandais, ont donc décidé de mettre leurs données, obtenues d’études réalisées indépendamment, en commun. Cette collaboration leur a permis de confirmer avec des données supplémentaires qu’il est possible d’avoir une communication bidirectionnelle au cours du rêve.
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Au total, l'étude a été menée avec 36 participants. Six d'entre eux ont répondu correctement, à 29 occasions, aux demandes des expérimentateurs.
Dans les différentes études, les sujets étaient par exemple capables de répondre aux questions des expérimentateurs (par exemple à des exercices de calcul mental) par le biais d’un code oculaire ou de la contraction des muscles faciaux.
En combinant ces tâches et des enregistrements électrophysiologiques, les chercheurs ont montré que les rêveurs étaient toujours en sommeil paradoxal lorsqu’ils répondaient aux questions.
« Pendant le sommeil paradoxal, ces personnes ont montré diverses capacités, notamment en effectuant une analyse perceptuelle exacte des nouvelles informations, en conservant les informations dans leur mémoire de travail, en élaborant des réponses simples et en exprimant des réponses volontaires.
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« Ces observations répétées du rêve interactif, documentées par quatre groupes de laboratoires indépendants, démontrent que les caractéristiques phénoménologiques et cognitives du rêve peuvent être interrogées en temps réel
», soulignent les chercheurs.
La possibilité de communiquer avec le rêveur « ouvre des perspectives pour identifier des marqueurs physiologiques de la conscience et du rêve et décoder l’activité de notre cerveau au cours de l’expérience onirique, afin de mieux comprendre le rôle du rêve et du sommeil
», concluent-ils.
Pour plus d'informations sur les rêves, voyez les liens plus bas.
Psychomédia avec sources : Inserm, Current Biology.
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