Dans la plupart des pays, des interventions sociales ou comportementales sont recommandées pour l'autisme. Mais en France, la psychanalyse est toujours utilisée, malgré les objections des patients, des familles et des experts en santé mentale», soulignent Dorothy Bishop, professeure de neuropsychologie du développement à l'Université d'Oxford, et Joel Swendsen, professeur de psychologie clinique au Centre National français de la Recherche Scientifique (CNRS) dans un article publié en décembre 2020 dans le BJPsych Bulletin, une revue du Royal College of Psychiatrists britannique.
Des partisans de la psychanalyse soutiennent que l'exception française s'explique par le fait que le choix de l'approche thérapeutique est une question de préférence culturelle et que les critiques dont elle fait l'objet découlent de malentendus.
Bishop et Swendsen expliquent qu'un problème plus profond est l'absence de données probantes pour la psychanalyse.
Karl Popper, rappellent-ils, « a utilisé la psychanalyse comme l'un de ses exemples classiques de pseudoscience : capable d'expliquer tous les phénomènes mais sans possibilité d'être réfutée : si le cadre scientifique est lui-même rejeté, alors n'importe quel point de vue est aussi valable qu'un autre
».
La psychanalyse, « dépourvue de toute preuve d'efficacité
», « n'est légitimée que parce qu'elle est promue par des figures d'autorité et entretenue par des cercles de pouvoir et d'influence
», estiment-ils.
« La question clé, écrivent-ils, n'est plus de savoir comment la France est arrivée à ce point, mais plutôt comment elle ne semble pas pouvoir le dépasser complètement.
»
« Si la psychanalyse est aujourd'hui marginale en France pour l'ensemble de la psychiatrie, il en va autrement pour la sous-discipline de la pédopsychiatrie qui a été dominée par cette orientation pendant des décennies
».
En 2012, la Haute Autorité de Santé française (HAS) a émis des recommandations pour le traitement de l'autisme qui excluaient la psychanalyse, « mais elles n'étaient pas obligatoires et des thérapies psychanalytiques inefficaces ont continué à être proposées.
»
« Même si les nouvelles générations de médecins sont formées à des traitements fondés sur des données probantes, les générations plus anciennes qui ont été formées à considérer la psychanalyse comme un traitement viable de l'autisme pratiquent toujours. Cette présence est visible à tous les niveaux du système de santé français, y compris dans les hôpitaux publics, les cliniques et les cabinets privés.
»
Mais, estiment-ils, « le plus grand problème en France concerne peut-être la formation des psychologues cliniciens. Les psychologues sont dix fois plus nombreux que les psychiatres et ils occupent un grand nombre de postes dans les cliniques et les hôpitaux traitant des enfants autistes.
»
Selon une analyse réalisée par Joel Swendsen (2018), sur 26 universités françaises chargées de la formation des psychologues cliniciens, « la moitié dispensent encore une formation psychanalytique substantielle. Dans neuf de ces universités, la formation dispensée en psychologie clinique est exclusivement d'orientation psychanalytique.
»
« Les cliniciens formés dans ces établissements ne sont pas systématiquement exposés à des approches fondées sur des données probantes dans le traitement de l'autisme (ou d'autres troubles mentaux, d'ailleurs), et aucun examen national ou critère d'autorisation professionnelle ne les oblige à suivre une telle formation avant d'occuper des postes dans les hôpitaux de tout le pays.
»
« Le gouvernement français et les présidents des universités ont fermé les yeux sur ce monopole psychanalytique dans les établissements d'enseignement supérieur.
» (Autre exemple de yeux fermés : Le collège des généralistes enseignants réclame la fin de l'enseignement de l'homéopathie à l’université.)
Notons que dans les trois grands classements internationaux des universités en psychologie, les universités françaises sont extraordinairement à la traîne.
Article du BJPsych Bulletin : Psychoanalysis in the treatment of autism: why is France a cultural outlier?
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Le problème de l'autisme en France et ses racines dans la psychanalyse (2018)
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Tribune : la psychanalyse est encore beaucoup trop nuisible dans la psychiatrie française
Pour plus d'informations sur l'autisme et sur la psychanalyse, voyez les liens plus bas.
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