À Fukushima, il faudra encore plusieurs mois avant que la situation de la centrale nucléaire Daiichi ne soit maîtrisée, indique l'opérateur Tepco. Ce dernier a reconnu le 12 mai que le cœur des réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale avaient commencé à fondre quelques heures seulement après le tsunami et que les dégâts (ainsi que les risques) sont pires qu'envisagés au début.
La contamination se poursuit donc pour une durée indéterminée. Où en sont les niveaux de radiation et les risques pour la santé de la population?
Mercredi le 18 mai, lors d'une session spéciale en marge de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Makoto Akashi, directeur de recherche en médecine nucléaire à l'Institut national des Sciences radiologiques du Japon, a estimé que les conséquences sur la santé seront bien moindres que celles de Tchernobyl.
"Nous ne pensons pas que les radiations au Japon contribueront à la multiplication des risques de cancer et de leucémie", a-t-il affirmé. La quantité de césium radioactif libéré dans l'atmosphère, est beaucoup plus faible que celle libérée lors de l'accident de Tchernobyl, a-t-il indiqué.
La directrice de la Santé publique et de l'environnement à l'OMS, Maria Neira, a estimé que la décision des autorités japonaises d'évacuer les personnes vivant à l'intérieur d'un rayon de 20 kilomètres de la centrale a empêché un impact catastrophique sur la santé publique.
Selon Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations de l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont les propos sont rapportés par Rue89 dans son édition du 19 mai : « Il y a encore des rejets continus mais très faibles et localement. Des villages continuent d'être évacués lorsque des doses supérieures à celles autorisées pour les salariés du nucléaire sont mesurées (soit 20 mSv par an). »
- Plus tôt ce mois-ci, un conseiller scientifique du gouvernement japonais, Toshiso Kosako de l'Université de Kyoto, a démissionné en larmes en conférence de presse, suite à cette décision gouvernementale de fixer une limite de 20 mSv pour les évacuations, en accusant le gouvernement de ne pas protéger la population adéquatement des radiations.
Ces doses, 20 fois supérieures à la dose normalement admise, causeront des dégâts sur la santé des populations, et surtout sur les enfants, estime Greepeace. « La prochaine étape, c'est la transparence sur les faibles doses », dit Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire pour l'organisation.
La situation est plus grave que cela, selon certains experts. Selon Harry Bernas, directeur de recherche au CNRS, dont les propos sont rapportés par France24: "La situation est beaucoup plus grave que ce que Tepco et l'agence de sécurité nucléaire japonaise ne l'ont laissée paraître. Des mesures - encore incomplètes - publiées ces jours-ci- prouvent qu'en perçant leurs barrières de sécurité, des éléments hautement radioactifs se sont non seulement échappés dans l'air et l'océan, mais ont également pollué les nappes phréatiques", s’inquiète-t-il. "Reste à savoir maintenant à quel degré de gravité nous sommes confrontés".
Le calendrier de quelques mois avancé par Tepco pour maîtriser la situation n'est absolument pas réaliste, considère-t-il. "Ces délais n’ont aucun sens (…), les réacteurs numéro 1 et 2 sont de véritables passoires. L'eau de refroidissement les traverse. Plus de cent cinquante mille tonnes de cette eau devenue très radioactive devra être évacuée et traitée rapidement. La situation reste instable. Au total, il faudra plusieurs décennies avant de mettre un terme à cette catastrophe", conclut-il.
L’irradiation permanente émanant des réacteurs va inexorablement contaminer les sols et surtout, remonter dans la chaîne alimentaire via les produits de la mer, selon Stéphane Lhomme, président de l'Observatoire du nucléaire. "Il est évident qu'un pic de cancers va se déclencher dans les années à venir dans la région autour de Fukushima", considère-t-il.
Des scientifiques et des ONG reprochent à l'OMS d'être remarquablement absente dans cette situation grave pour la santé publique. Ils dénoncent l’Accord “WHA 12-40” signé en 1959 qui inféode l’OMS à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en cas d’accident nucléaire et qui l'empêche de remplir sa mission.
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