Le laboratoire Servier s'est dit prêt mercredi à indemniser des victimes de l'antidiabétique Mediator (benfluorex) exclues des procédures légales d'indemnisation à condition qu'elles renoncent à toute action judiciaire. Une proposition, soumise aux ministres de la Justice et de la Santé, assortie d'une première dotation de 20 millions d'euros.

Réaffirmant qu'il assumerait "toute (sa) responsabilité" dans le cadre des procédures d'indemnisation rapides mises en place par la loi Kouchner en 2002, il s'est dit prêt à mettre également en place un fonds complémentaire pour les victimes qui seraient exclues de ces procédures.

La proposition concerne les victimes dont le préjudice est antérieur au vote de la loi et celles dont l'incapacité partielle permanente est inférieure à 24%. Et, ce fonds complémentaire indemniserait les victimes pour lesquelles le mediator était prescrit en dehors des indications prévues dans l'Autorisation de mise sur le marché (comme coupe faim pour maigrir).

UFC Que Choisir estime cette proposition complètement inacceptable et scandaleuse, a indiqué à l'AFP Nicolas Godfroy, responsable du département juridique de l'association.

Il faudrait que le fonds soit indépendant, sous contrôle de l'État, et non sous le contrôle de Servier, a-t-il expliqué. Et, il est scandalisant que ce dernier propose que les personnes passant par ce fonds renoncent à toute action judiciaire.

De son côté, Me Charles Joseph-Oudin, avocat de victimes du Mediator, "n'imagine pas une seconde que le gouvernement laisse passer une proposition pareille". Il s'interroge notamment sur l'attitude de Servier par rapport aux expertises qui devraient être menées pour bénéficier des indemnisations de ce fonds. "S'ils ne changent pas, j'ai peur qu'aucune victime n'obtienne d'indemnisation de ce fonds", a-t-il ajouté.

Une opération "habile" et "assez perverse", dénonce le député Gérard Bapt, président la mission parlementaire sur le Mediator. "C'est une opération de communication à la veille de la réunion du comité de suivi du Mediator de jeudi, réunissant le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, les associations de victimes et les représentants de l'Assurance maladie et des agences sanitaires (Afssaps...)", a-t-il déclaré. D'un côté, dit-il, "Servier reconnaît la responsabilité du Mediator", tout en se battant de l'autre, dans le cadre des expertises préalables à toute indemnisation.

Après qu'une femme de 57 ans ait été victime samedi le 26 février d'un arrêt cardiaque, après avoir subi une expertise visant à établir si la pathologie dont elle souffre est bien liée au Mediator, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer une "violence procédurière" de la part de Servier. "Il y a une violence procédurière qui peut mettre les patients très fragilisés dans des situations extrêmement difficiles. Tout est remis en cause, discuté virgule par virgule. C'est une deuxième violence", disait Irène Franchon (auteure de "Mediator 150 mg, Combien de morts?

Le ministre de la santé, Xavier Bertrant, a pour sa part réclamé un changement d,attitude de la part de Servier.

Selon le rapport remis à la mi-janvier par l'Inspection des Affaires sociales (Igas), rapelle Reuters, Servier a commercialisé pendant plus de 30 ans en France le Mediator comme un antidiabétique alors qu'il s'agissait d'un puissant coupe-faim, un dérivé de l'amphétamine, "dont il connaissait la dangerosité". Il est estimé que cinq millions de Français ont pris du Mediator. Rapport et estimation que conteste Servier.

Psychomédia avec sources:
Le Nouvel Observateur, Le Point, le Télégramme
Tous droits réservés