Le tribunal de Brest a rendu sa décision lundi le 7 juin après l'audience il y a une semaine ayant opposé le Laboratoire Servier et les Editions Dialogues.fr au sujet de la publication du livre "Mediator, Combien de morts ?" de la médecin pneumologue Irène Frachon. Le laboratoire demandait la suppression de la mention "Combien de morts ?" dans le titre, estimant qu'elle représentait un dommage imminent.
Le président du tribunal a donné raison au laboratoire en " ordonnant la suppression immédiate, par tous moyens, de cette mention, sur tout exemplaire de l'ouvrage, sous astreinte de 50 euros par exemplaire distribué, offert à la vente ou vendu, à compter de l'exécution de la présente décision ". Dialogues.fr a édité 5 500 exemplaires de l’ouvrage.
Grâce au travail d'Irène Frachon et de l'hôpital de Brest, rapporte Ouest-France, le médicament Mediator (benfluorex), un antidiabétique d'une efficacité modeste, a été retiré du marché. "Mais il a fallu se battre." Dans son livre, la pneumologue raconte l'enquête qui a abouti à ce retrait en novembre 2009.
Un article dans Prescrire, en 2006, qui s'inquiétait du maintien sur le marché du benfluorex l'avait interpellé. Ce médicament est cousin de l'Isoméride, coupe-faim également commercialisé par Servier, qui a été retiré de la vente en 1997. Jeune interne à Paris, elle avait assisté au combat mené par une « poignée de médecins » pour le faire interdire.
Au CHU de Brest, deux cas graves l'ont alerté : une atteinte des valves cardiaques et une hypertension artérielle pulmonaire. Des symptômes proches de ceux provoqués par l'Isoméride. Les malades avaient pris du Mediator, utilisé comme coupe-faim. Deux morts ont été recensés au CHU de Brest depuis 2003, selon la pneumologue. La Cnam dénombre 150 patients hospitalisés par an en France.
Dès 2007, elle alerte l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) responsable de la mise sur le marché des médicaments. Mais elle se heurte à un fonctionnement "peu transparent". Elle s'y rend six fois. Certains débats ont lieu à huis clos. Lors d'une réunion, elle découvre que "le vote se base sur des avis d'experts anonymes dont on ignore le rôle et les conflits d'intérêts (les liens éventuels entre ces experts et des labos)."
"En matière de santé publique, il faut des experts et une autorité de contrôle réellement indépendants", considère-t-elle. "Car la préoccupation des industriels, c'est de faire tourner leur société."
Psychomédia avec sources:
Ouest-France, Le Télégramme.com