Après la Thaïlande, c'est au tour du Brésil de casser un brevet de la compagnie pharmaceutique Merck afin d'avoir recours à une version générique moins dispendieuse pour un médicament antisida.
Le président Luiz Inacio Lula da Silva a décrété, pour la première fois, la "licence obligatoire" d'un médicament.
La mesure suspend l'exclusivité du brevet du laboratoire Merck sur l'efavirenz, un médicament pour le sida utilisé par 75 000 malades, et autorise l'importation d'une version générique meilleure marché.
"Cette décision vaut pour ce médicament, et d'autres si nécessaires, car, entre le commerce et la santé, nous choisissons la santé", a averti le président Lula.
La décision est conforme aux accords internationaux sur les brevets, depuis la réunion de l'Organisation mondiale (OMC) du commerce à Doha, en 2002.
Les organisations non gouvernementales (ONG) liées au domaine médical ont applaudi la décision du gouvernement et elles espèrent que le Brésil servira d'exemple à ses voisins sud-américains. "Depuis que les licences obligatoires sont autorisées par l'OMC, peu de pays pauvres y ont recours, par peur de représailles", affirme Michel Lotrowska, représentant local de Médecins sans frontières (MSF).
Le gouvernement brésilien réclamait une forte réduction au fabricant, qui leur fournissait la dose de 600 mg d'efavirenz à 1,59 dollar, alors que cette même dose est vendue 0,65 dollar à la Thaïlande. Merck a proposé des baisses qui sont passées de 2 % à 30 %, mais elles ont été jugées insuffisantes.
Une version générique, reconnue par l'Organisation mondiale de la santé, sera achetée de Inde 70 % moins cher. L'économie sera de 30 millions de dollars (22 millions d'euros) par an. Le Brésil versera à Merck, au titre du brevet, 1,5 % de ses dépenses en générique.
"Cette somme est trop faible pour compenser nos gros investissements de recherche", a commenté la direction brésilienne de Merck.
Le Brésil, qui assure la gratuité du traitement à 200 000 malades du sida, se bat depuis des années avec les laboratoires étrangers pour obtenir des tarifs qui tiennent compte de ses moyens de pays en voie de développement.
En 2001, le laboratoire Roche avait accepté de baisser de 40 % le prix du Nelfavir et en 2005 Abott a réduit le prix du Kaletra.
Plusieurs pays du monde ont adopté des lois pour contourner les brevets. Dans certains cas, un gouvernement peut édicter une «licence obligatoire» forçant une entreprise à en laisser d'autres utiliser son invention, contre rémunération. Les règles internationales de l'Organisation mondiale du commerce ont entériné ce fait.
L'Italie qui a aussi émis récemment deux licences obligatoires contre Merck a accusé le fabriquant de pratiques anticoncurrentielles, et ce sont les autorités antitrust qui ont imposé cette mesure.
Dans d'autres cas, la santé publique ou la sécurité nationale sont invoquées.
Sources:
Le Monde
Libération