La fibromyalgie a longtemps été considérée comme un état douloureux dont l'origine est le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Par exemple, par le biais de mécanismes de « sensibilisation centrale » (1).
Les évidences pour cette hypothèse proviennent notamment du fait que la douleur est généralisée et de l'observation d'une augmentation de l'activité neuronale lors de stimulations normalement non douloureuses dans les régions cérébrales impliquées dans le traitement de la douleur ainsi que d'indications de dysfonctionnement des systèmes de modulation de la douleur.
Mais des études récentes ont suggéré une implication du système nerveux périphérique, plus particulièrement une pathologie des petites fibres (2), chez certaines personnes atteintes de fibromyalgie. Les évidences proviennent d'études utilisant des biopsies cutanées, la microscopie confocale de la cornée et des tests sensoriels quantitatifs. Des atteintes aux grandes fibres ont aussi été rapportées.
Linda Oudejans de l'Université Leiden (Pays-Bas) et ses collègues (3) ont utilisé la microscopie confocale de la cornée (MCC) avec 39 personnes encontrant les critères diagnostiques de la fibromyalgie, dont 36 femmes, pour examiner le lien entre l'état des petites fibres de la cornée et les résultats à des tests évaluant les symptômes de neuropathie et les signes de sensibilisation centrale.
La MCC est moins invasive et plus pratique que les biopsies de la peau. Des études ont montré que ses résultats sont en corrélation avec ceux des biopsies cutanées.
Une pathologie des petites fibres a été détectée dans la cornée de la moitié (51 %) des participants : anomalies de la longueur des fibres chez 44 %, de la densité chez 10 % et des connexions chez 28 %.
La combinaison de ces résultats avec ceux des tests sensoriels de sensibilisation centrale (4) a donné quatre « phénotypes
» ou profil :
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sans pathologie des petites fibres (cornée normale) et sans signes de sensibilisation centrale (orange dans la figure plus bas) ;
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sans pathologie des petites fibres et avec signes de sensibilisation centrale (vert) ;
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avec pathologie des petites fibres (morphologie de la cornée anormale) et sans signes de sensiblisation centrale (bleu foncé) ;
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avec pathologie des petites fibres et avec signes de sensibilisation centrale (bleu pâle).
Chaque colonne représente un participant. Les cases blanches représentent des résultats normaux.
Chez certains participants, des signes de pathologie des grandes fibres étaient aussi constatés, confirmant des études précédentes.
Ces « résultats indiquent que le syndrome de fibromyalgie consiste en un groupe hétérogène de patients avec des signes de pathologie centrale et périphérique des petites et grandes fibres
», résument les chercheurs.
La pathologie des petites fibres détectée par l'examen de la cornée n'était pas en corrélation avec les résultats aux questionnaires portant sur les symptômes typiques de neuropathie. Les auteurs choisissent d'ailleurs le terme « pathologie des petites fibres » plutôt que « neuropathie des petites fibres » car les signes morphologiques et les symptômes sont distincts de la neuropathie ayant pour cause d'autres maladies telles que le diabète.
La douleur et les symptômes dans le groupe sans signes de pathologie des petites fibres sont le plus probablement d'origine centrale (cerveau et moelle épinière) que ce soit avec ou sans sensibilisation centrale, font valoir les chercheurs.
Et, chez ceux qui ont des signes d'origine périphérique de douleur, il ne peut être exclu que des causes centrales jouent un rôle additionnel.
Les quatre phénotypes distincts, soulignent les chercheurs, peuvent nécessiter des approches de traitement différentes.
Par exemple, ils ont montré dans des études récentes « que les patients atteints de sarcoïdose et de neuropathies à petites fibres bénéficient de l'ARA290, un analogue de l'érythropoïétine (EPO) agissant au niveau du récepteur de réparation inné, qui restaure la morphologie nerveuse périphérique et les symptômes neuropathiques. Il est possible que ce composé soit exclusivement efficace chez les patients atteints de pathologie des petites fibres, alors que les médicaments à action centrale, comme la prégabaline (Lyrica), ne soient appropriés que lorsqu'aucun signe de pathologie des fibres périphériques n'est présent. Les études futures devraient aborder ces hypothèses.
»
Étant donné que cette étude et d'autres études antérieures ont été menées avec de petits groupes, des recherches avec des cohortes plus importantes sont nécessaires pour parvenir à des conclusions définitives, ajoutent les chercheurs.
Fibromyalgie : un déséquilibre cérébral causerait une neuropathie des petites fibres (juil. 2017)
(1) Voyez : La fibromyalgie et d'autres douleurs chroniques résulteraient d'une dérégulation du système nerveux central et Test en ligne de dépistage de la sensibilisation centrale.
(2) Voyez : L'hypothèse d'une neuropathie des petites fibres se précise.
(3) Xuan He, Marieke Niesters, Albert Dahan, Michael Brines et Monique van Velzen.
(4) Par exemple, seuil de douleur causée par le froid, seuil de douleur mécanique, sensibilité à la douleur mécanique, allodynie, hyperalgésie et amplification de la perception de la douleur avec la répétition d'un stimulus douloureux (« windup »).
Psychomédia avec source : Scientific Reports.
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