La structure cérébrale différente des personnes atteintes d'autisme ne devrait pas être assimilée à une déficience, fait valoir le Pr Laurent Mottron de l'Université de Montréal dans un article publié dans la revue Nature.
L'autisme devrait plutôt être considéré comme une variante acceptée de l'espèce humaine, et non pas comme un défaut à supprimer, estime-t-il.
« Des données récentes et ma propre expérience indiquent qu'il est temps de commencer à considérer l'autisme comme un avantage dans certaines sphères
», estime le professeur relayé dans un communiqué de l'Université de Montréal.
Son équipe de recherche et d'autres équipes ont montré les habiletés et, parfois, les supériorités des personnes autistes dans de multiples activités cognitives. Les autistes, ont-ils montré, pensent, retiennent, s'émeuvent, et surtout perçoivent différemment des non-autistes.
L'équipe de recherche comprend plusieurs personnes autistes, dont Michelle Dawson qui apporte des contributions particulièrement importantes à la compréhension de cette condition. Pendant des décennies, a compris le professeur en collaboration avec Mme Dawson, les scientifiques ont évalué un retard mental chez les autistes en se basant sur des tests inappropriés et sur une mauvaise interprétation de leurs forces. (Voyez : Michelle Dawson reçoit un doctorat honoris causa.)
Le professeur ne croit plus que la déficience intellectuelle soit intrinsèque à l'autisme, rapporte Anne Pélouas, correspondante du journal Le Monde au Canada qui consacre un article fort intéressant au sujet. Une attitude « normocentrique
» valorise des tests basés sur le langage comme mesure de l'intelligence, au détriment de tests non verbaux comme les matrices de Raven (test dans lequel une liste de dessins doit être complétée) qui représentent mieux l'intelligence autistique.
L'utilisation de ces tests pour les autistes a pour effet d'en classer 75 % comme déficients intellectuels, alors que seulement 10 % à 15 %, selon le professeur, souffrent d'une maladie neurologique associée favorisant l'apparition d'une déficience intellectuelle. Certains autistes de moins de 2 ans connaissent l'alphabet, voire lisent un journal. « Plus les tâches sont complexes, plus ils ont un avantage sur les non-autistes », rapporte Mme Dawson.
Les positions les plus polémiques du groupe, rapporte Mme Pélouas, concernent l'intervention comportementale intensive (ICI) préconisée en Amérique du Nord. « La littérature sur le sujet est énorme en quantité mais pauvre en qualité scientifique », dit Mme Dawson. L'Académie américaine de pédiatrie va dans le même sens en considérant que « la force de la preuve en faveur de l'efficacité de ces techniques est insuffisante à basse.
De nombreux gouvernements subventionnent ces thérapies qui coûtent jusqu'à 60 000 dollars (45 000 euros) par an et par enfant, sous l'influence de groupes de pression. Au lieu de monopoliser le budget de l'enfance inadaptée pour de telles thérapies, on ferait mieux, selon le professeur, » d'accepter qu'il n'y a pas de traitement de l'autisme, d'aider les autistes à trouver une fonction en société, avec garanties de droits, gestion pragmatique des crises adaptatives, accès renforcé à des services spécialisés éclectiques et aide pour une meilleure qualité de vie. Et surtout, il faudrait revoir l'équilibre entre le niveau d'aide apporté pendant l'enfance et celui donné à l'âge adulte, en augmentant le second.
Les fonds pour faire face aux coûts exorbitants des techniques comportementales seraient mieux utilisés, dit-il, à payer des gens qui iraient dans les entreprises identifier des tâches où les autistes excellent et pour adapter leurs conditions de travail.
« Michelle Dawson et d'autres personnes autistes m'ont convaincu, dit-il, que, dans plusieurs cas, les autistes ont par-dessus tout besoin d'opportunités, souvent de soutien, mais rarement de traitement
».
Le professeur plaide pour que la science fasse sa part pour redonner aux personnes autistes leur place au sein de la communauté humaine.
Pour en apprendre davantage sur la théorie du Pr Mottron et ses collègues, voyez : Un nouveau modèle de compréhension globale de l'autisme proposé.
À lire dans Le Monde, Autisme : changer le regard, Anne Pélouas.
Photo : Michelle Dawson à droite et Laurent Mottron, Nature
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