Le 28 février, l'Académie française doit voter un rapport sur la féminisation des noms de métiers, professions, titres et fonctions.
« En France, tout le monde – dans la conversation courante, dans la presse, dans la langue professionnelle et administrative – féminise les noms. En Belgique, en Suisse et au Québec aussi
», souligne l'historien de la langue française Bernard Fripiat, relayé par Europe 1.
« Il n'y avait plus que l'Académie française, elle régularise donc la situation
», dit-il.
En effet, à la fin des années 70, le Québec a joué un rôle de précurseur au sein des pays francophones. L'Office de la langue française (OLF) s'est prononcé en 1977 en faveur de la féminisation des titres, rapporte l'Express. En 1979, un avis paraissait à la Gazette officielle du Québec et recommandait l'utilisation des formes féminines dans tous les cas possibles. Le Québec a été rapidement rejoint par la Belgique, la Suisse et le Luxembourg.
« Pendant 30 ans, l'Académie a bloqué un changement linguistique naturel et évident socialement, et qui s'était répandu en francophonie
», regrette aussi Bernard Cerquiglini, linguiste et auteur de « Le/la Ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des noms » (Seuil, 2018).
Quand l'Académie a été fondée en 1634, explique-t-il, puisque les femmes étaient exclues de bien des professions, s'est mis en place le « féminin conjugal ». « L'ambassadrice n'est que l'épouse de l'ambassadeur, la colonelle n'est que l'épouse du colonel. Dans toute la littérature, dans toute la presse, dans tous les dictionnaires du 19e siècle, une étudiante est la petite amie d'un étudiant.
»
« Le combat contre la féminisation des noms de métier ne date pas d'hier
», rapporte Le Point. « En 1984, le gouvernement diffusait une circulaire proposant une “féminisation des titres et fonctions et, d'une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes”. À l'époque, on manque de vocabulaire et une commission de terminologie est chargée d'inventer de nouveaux mots. Résultat, une levée de boucliers de la part de l'Académie française, qui s'y oppose fermement en arguant que le genre masculin est préférable car neutre et non marqué.
»
« L'Académie française travaille depuis le XVIIe siècle à masculiniser la langue
», rappelle Éliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance à l'université Jean-Monnet à Saint-Étienne, relayée par Le Point. « Professeuse, autrice, defenseuse existent depuis longtemps dans la langue française, indique-t-elle. Plusieurs linguistes en ont retrouvé trace dans la littérature ancienne. Eliane Viennot rappelle sur son site que le terme “ambassadrice” était recensé dès 1694 dans le dictionnaire de... l'Académie.
»
L'académie, rappelle-t-elle, n'a aucun pouvoir législatif, contrairement à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) qui est rattachée au ministère de la Culture. Par ailleurs, dit-elle, aujourd'hui « ce sont plutôt les dictionnaires Le Robert et Larousse qui font évoluer la langue
».
Des linguistes proposent d'adopter une féminisation qui s'entend, telle qu’autrice plutôt qu’auteure. « On ne va pas féminiser en cachette !
», défend Bernard Fripiat. « Qu'on mette “autrice”, on s'habituera. C'est plus cohérent. On dit bien actrice ou lectrice.
»
Psychomédia avec sources : Europe 1, L'Express, Le Point.
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