Les antidépresseurs sont de plus en plus utilisés pour le traitement de la douleur chronique, mais sont-ils réellement efficaces ?
L'utilisation d'antidépresseurs a doublé dans les pays de l'OCDE entre 2000 et 2015 et leur utilisation hors indication (non approuvée) pour le traitement des affections douloureuses telles que la fibromyalgie, les maux de tête persistants et l'arthrose serait en partie responsable de cette augmentation, rapportent les auteurs d'une étude publiée en février 2023 dans le British Medical Journal (BMJ).
Par exemple, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) britannique a publié, en 2021, des lignes directrices pour la gestion de la douleur chronique primaire qui recommandent différents types d'antidépresseurs, tels que l'amitriptyline (Elavil, Laroxyl), le citalopram (Séropram, Celexa), la duloxétine (Cymbalta et autres), la fluoxétine (Prozac), la paroxétine (Deroxat, Paxil, Seroxat) ou la sertraline (Zoloft) pour le traitement de la douleur primaire chronique.
Mais selon les auteurs de l'étude, une approche plus nuancée est nécessaire, car
si certains antidépresseurs sont efficaces contre certaines douleurs, la plupart sont soit inefficaces, soit les preuves ne sont pas concluantes.
Une équipe de chercheurs dirigée par Giovanni Ferreira de l'Université de Sydney (Australie) a analysé les revues systématiques de la littérature scientifique publiées sur le sujet de 2012 à 2022.
Elle a recensé 26 revues systématiques impliquant 156 essais cliniques distincts qui comparaient un antidépresseur à un placebo et plus de 25 000 participants. Les données portaient sur huit classes d'antidépresseurs et 22 conditions de douleur, dont les maux de dos, la fibromyalgie, les maux de tête, la douleur postopératoire et le syndrome du côlon irritable.
Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), telle que la duloxétine (Cymbalta), se sont révélés efficaces dans le traitement du plus grand nombre d'affections douloureuses, telles que le mal de dos, l'arthrose du genou, les douleurs postopératoires, la fibromyalgie et les douleurs neuropathiques.
En revanche, les antidépresseurs tricycliques, tels que l'amitriptyline, sont les antidépresseurs les plus couramment utilisés pour traiter la douleur, mais l'examen a montré qu'on ne sait pas exactement dans quelle mesure ils sont efficaces, ni même s'ils sont efficaces dans la plupart des cas de douleur.
Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) n'étaient pas efficaces pour les lombalgies, la fibromyalgie, la dyspepsie fonctionnelle et les douleurs thoraciques non cardiaques.
Ces résultats suggèrent que, pour la plupart des adultes vivant avec une douleur chronique, le traitement par antidépresseur sera décevant, concluent les chercheurs dans un éditorial qui accompagne l'article du BMJ. Et, les antidépresseurs peuvent aussi avoir des effets secondaires désagréables que les patients peuvent souhaiter éviter.
Les antidépresseurs ne sont autorisés que pour un petit nombre d'états douloureux, soulignent les chercheurs. Par exemple, au Royaume-Uni et en Australie, la douleur neuropathique diabétique est le seul état douloureux pour lequel l'IRSN duloxétine (Cymbalta) est autorisé. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé la duloxétine pour la fibromyalgie et les douleurs musculo-squelettiques chroniques. L'amitriptyline (Elavil, Laroxyl) est approuvée au Royaume-Uni pour les douleurs neuropathiques et le traitement prophylactique (prévention) des maux de tête (de type tension et migraine), alors qu'en Australie, elle n'est approuvée pour aucune condition de douleur. Pour de nombreuses pathologies couvertes par l'étude, l'utilisation des antidépresseurs est donc hors indication (ou autorisation de commercialisation).
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Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.
Psychomédia avec sources : British Medical Journal, BMJ, University of Warwick, University of Sydney.
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