Des périodes de distanciation sociale seront sans doute nécessaires jusqu’en 2022, estiment des chercheurs de l'université Harvard (États-Unis) dans une étude publiée le 14 avril dans la revue Science.
Selon leur analyse, des épidémies hivernales récurrentes de SRAS-CoV-2 se produiront probablement après la vague initiale plus grave de pandémie.
Pour éviter que les capacités de soins intensifs soient dépassées, une distanciation sociale prolongée ou intermittente pourrait être nécessaire jusqu'en 2022, estiment les chercheurs.
Stephen M. Kissler et ses collègues (1) ont étudié deux coronavirus du rhume pouvant fournir des indices sur le comportement du virus SARS-CoV-2 responsable de la COVID-19.
Ils concluent que l'été ne nous sauvera sans doute pas de la maladie et qu'il faudra fort possiblement des périodes répétées de distanciation sociale pour éviter que les cas sévères submergent le système hospitalier.
Les coronavirus HCoV-OC43 et HCoV-HKU1 qu'ils ont étudiés circulent régulièrement et provoquent le rhume. Les chercheurs ont utilisé les connaissances sur ceux-ci pour développer un modèle de la saisonnalité potentielle et de l'impact des stratégies de distanciation sociale. Ils n’ont pas examiné comment les résultats pourraient être affectés si un vaccin ou un traitement était mis au point, « ni l'un ni l'autre ne semblant imminent
».
Dans chaque scénario modélisé, ils ont constaté que le temps chaud n'arrêtait pas la transmission. Car, alors que dans le cas du rhume, une grande partie de la population tombe généralement malade et développe une immunité au printemps, avec le SRAS-CoV-2, une assez grande partie de la population restera probablement non immunisée, ce qui lui permettra au virus de se propager même si la transmission est réduite pendant les mois les plus chauds. (Pour atteindre l'immunité collective, quelle proportion de la population doit contracter la covid-19)
Dans ces scénarios, il y a un déclin saisonnier, explique Marc Lipsitch, professeur d'épidémiologie et coauteur, « mais ce n'est certainement pas une fluctuation saisonnière suffisante pour faire disparaître le virus en été en l'absence d'intervention
».
Une autre inconnue concernant le nouveau coronavirus est la durée de l'immunité après l'infection. Une immunité de courte durée, comme celle conférée par le rhume qui dure moins d'un an, conduirait à des flambées annuelles de COVID-19. L'immunité permanente, en revanche, éliminerait le virus de la circulation pendant cinq ans ou plus après son apparition initiale.
Les chercheurs ont également étudié l'impact d'un ou plusieurs épisodes de distanciation sociale sur le maintien d'un nombre de patients suffisamment faible pour que le système de santé puisse les prendre en charge. L'intervention la plus efficace, selon M. Kissler, consiste en une série de périodes de distanciation sociale, associée à des tests efficaces qui surveillent la résurgence de la maladie afin que les mesures puissent être rétablies avant que les cas ne submergent le système.
Un tel scénario, selon les chercheurs, non seulement entraîne le moins de décès possible, mais permet également à la population de s'immuniser progressivement contre le virus.
Avant de pouvoir réduire la distanciation sociale, suggèrent les chercheurs, le nombre de nouveaux cas devrait avoir diminué pendant deux semaines et il devrait y avoir suffisamment de tests - jusqu'à 500 000 par jour aux États-Unis, soit trois à quatre fois le taux actuel, estiment les chercheurs. Le système de soins de santé devrait aussi être renforcé et les médecins et les infirmières épuisés devraient pouvoir prendre un répit avant que des mesures qui risquent de provoquer une nouvelle augmentation du nombre de cas soient prises.
Les grands rassemblements tels que les matchs de baseball devront encore attendre, mais les restaurants, les bars et les lieux de travail pourraient probablement ouvrir, avec des ajustements pour maintenir une distance plus sûre entre les gens. Les cours universitaires en personne, également limités en taille, pourraient redémarrer à l'automne.
Même les voyages en avion pourraient reprendre avec des mesures telles que des tests automatiques de dépistage du virus avant le vol et des périodes d'autoquarantaine au retour, estime Ashish Jha, coauteur.
« Nous pouvons faire beaucoup pour que l'ouverture devienne une réalité, mais nous ne reviendrons pas à la “normale” tant que nous n'aurons pas de vaccin, ce qui, à mon avis, est dans 12 à 18 mois
», a-t-il ajouté.
Des études sérologiques longitudinales sont nécessaires de toute urgence pour déterminer l'étendue et la durée de l'immunité au SARS-CoV-2, concluent les chercheurs. Même en cas d'élimination apparente, la surveillance du virus devrait être maintenue, car une résurgence de la contagion pourrait être possible aussi loin qu'en 2024.
Pour plus d'informations sur l'épidémie de la COVID-19, voyez les liens plus bas.
(1) Stephen M. Kissler, Christine Tedijanto, Edward Goldstein, Yonatan H. Grad, Marc Lipsitch.
Psychomédia avec sources : Science, The Harvard Gazette.
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