Dans un rapport publié le 9 décembre, la Cour des comptes condamne sévèrement le fonctionnement de l’ordre des médecins, dénonçant sa gestion et de « graves lacunes » dans l’exercice de ses missions.
Elle « a contrôlé le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), 46 conseils départementaux (sur 101) et les 24 conseils régionaux
», précise son communiqué.
« Créé en 1945, l’ordre des médecins est un organisme privé chargé d’une mission de service public. Son rôle est de veiller au respect, par les praticiens, des règles de déontologie et de défendre l’indépendance et l’honneur de la profession.
»
« Il dispose de ressources annuelles d’environ 85 M€, provenant des cotisations obligatoires de quelque 300 000 médecins, de réserves de 152 M€ et d’un patrimoine évalué à 110 M€.
» Les cotisations annuelles des médecins sont de 335 euros par an, précise Le Monde.
L’ordre, indique le communiqué, «
n’a que marginalement tenu compte des recommandations formulées par la Cour en 2012 à l’issue de son précédent contrôle» : il reste marqué par :
- des problèmes de gouvernance,
- de sérieuses défaillances de gestion,
- des insuffisances persistantes dans l’exercice de ses missions,
- et un manque de rigueur dans le traitement des plaintes des patients.
De sérieuses défaillances de gestion
« La surreprésentation d’hommes (91 %) âgés et retraités (40 %) au sein du CNOM, ainsi que la longévité des mandats exercés, ne favorisent pas la prise de conscience d’un changement nécessaire
», souligne le communiqué.
Alors que les femmes représentent près de la moitié du corps médical et près de 60 % des jeunes médecins, précise Le Figaro.
Les problèmes relevés :
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«
Des conflits internes ont abouti, dans certains départements, à des tensions et à une désorganisation préjudiciables à la bonne exécution des missions de l’ordre.
» -
«
La décentralisation du processus de recouvrement des cotisations et de la tenue des comptes, abandonnés sans contrôle aux conseils départementaux de l’ordre, a favorisé de nombreux désordres qu'énumère le communiqué.
» -
«
L’ordre intervient fréquemment dans le champ de la défense des intérêts professionnels, empiétant ainsi sur le rôle des syndicats.
» -
Dans le même temps, il n’exerce qu’imparfaitement nombre de ses missions «
comme le contrôle du respect par les médecins de leurs obligations de développement professionnel continu ou des règles déontologiques de la profession (au regard des relations avec l’industrie pharmaceutique notamment)
». «L’accès aux soins n’apparaît pas non plus comme une priorité.
»
Le conseil régional de l’ordre de Provence-Alpes-Côte d’Azur par exemple, rapporte Le Monde, « a acheté en 2012 sur les hauteurs de Marseille une villa “avec vue dégagée” de 318 mètres carrés, avec jardin et piscine, pour 1,7 million d’euros et 1,1 million de travaux
».
«
Certains errements de gestion pourront donner lieu à une saisine des autorités judiciaires par l’intermédiaire du Parquet général près la Cour», indique le communiqué de la Cour.
Des missions administratives et juridictionnelles mal assurées
«
En matière disciplinaire, le traitement des plaintes des patients n’est pas assuré avec suffisamment de rigueur et l’impartialité de la formation de jugement n’est pas toujours garantie.Les signalements, dans leur grande majorité, ne sont pas considérés par l’ordre comme des plaintes et ne sont, en conséquence, pas déférés devant la justice ordinale. »
« Dans un certain nombre de cas, l’absence de poursuites disciplinaires pose question. Ainsi, l’analyse d’une cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 (parmi une liste de 90 décisions transmises par l’ordre à la Cour [des comptes]) révèle l’existence d’irrégularités de procédure ou un manque de diligence dans le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel.
»
«
Ces constats plaident pour une remise en ordre urgente, avec trois priorités :
- replacer la sécurité des patients au cœur des préoccupations de l’ordre,
- ouvrir sa gouvernance à des non médecins,
- et achever la mutation de la justice ordinale, dont le fonctionnement vient d’être amélioré par un décret du 3 décembre 2019. »
Sur le site de la Cour des comptes : Communiqué, synthèse et rapport.
Psychomédia avec sources : Cours des comptes, Le Monde, Le Figaro.
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