Depuis des mois, les conclusions d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), consacré à la recherche sur les maladies négligées dans les pays en développement, alimente les soupçons de collusion entre l'organisation et l'industrie pharmaceutique, rapportent les quotidiens Le Monde et La Croix.
Tout a débuté le 8 décembre 2009 lorsqu'un rapport confidentiel de l'OMS consacré aux maladies des pauvres, "ces maladies négligées dont les grands laboratoires pharmaceutiques se désintéressent faute de pouvoir en tirer des profits" (Le Monde), était mis en ligne par Wikileaks, site spécialisé dans les "documents sensibles".
On y apprenait que l'IFPMA avait pu consulter en primeur la version préliminaire du rapport, reçu de manière "confidentielle", et faire ses commentaires. Dans un texte de deux pages, le lobby pharmaceutique passe en revue les bons et les mauvais points. Il juge ainsi problématique la proposition du Brésil d'instaurer une taxe sur les profits des industries pharmaceutiques censée rapporter 160 millions de dollars (120 millions d'euros) par an.
L'IFPMA s'interroge également sur la solution d'une "communauté de brevets", lancée par Unitaid, l'initiative internationale visant à faciliter l'accès aux traitements contre le sida par des financements innovants. Ce système permet une gestion collective des droits de propriété intellectuelle afin de faire baisser le prix des médicaments.
A la lecture de ces "fuites", la revue médicale britannique The Lancet avait rédigé un éditorial accusant le lobby pharmaceutique de "saboter le travail du groupe de travail de l'OMS".
Quelques semaines plus tard, le 18 janvier 2010, lors d'une réunion à Genève du Conseil exécutif de l'OMS, un rapport de synthèse de 19 pages était remis aux participants. N'y figuraient pas l'idée brésilienne d'une taxe sur les bénéfices des industries pharmaceutiques et la plupart des mesures innovantes qui s'attaquaient au système de propriété intellectuelle tel qu'il fonctionne aujourd'hui.
Le rapport épuré a fait bondir l’une des expertes ayant participé au processus menant à ce rapport, la sénatrice colombienne Cecilia Lopez Montano. Le 16 janvier, dans une lettre adressée à chacun des membres du conseil exécutif de l’OMS, elle les appelaient à ne pas approuver le texte en l’état. Elle disait avoir été "utilisée pour légitimer un processus" auquel elle estime n'avoir pas pleinement participé. Elle raconte avoir assisté à deux réunions et avoir demandé que les questions liées à la propriété intellectuelle sur les médicaments soient discutées en priorité. « Quand j’ai essayé d’aborder le sujet des brevets, il m’a été répondu que cela ne faisait pas partie de notre mandat. J’ai préféré quitter les discussions plutôt que de perdre mon temps avec des thèmes qui ne permettront pas de financer la recherche sur les maladies négligées. »
Face à la menace d'un scandale, la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, a annoncé le 20 janvier qu'une enquête était en cours et que l'immunité diplomatique des membres du groupe d'experts chargé de rédiger le rapport, serait s'il le faut, levée. Contactée par Le Monde, la porte-parole de l'OMS, Fadela Chaïb répond que "le docteur Chan a promis qu'elle informerait les États membres des résultats de l'investigation lancée lors de l'Assemblée mondiale de la santé qui se tiendra du 17 au 21 mai 2010."
Quant au rapport final sur les maladies négligées dans les pays pauvres, il est attendu pour le 13 mai.
Rappelons que l'OMS fait aussi l'objet de soupçons de collusion avec l'industrie pharmaceutique en ce qui concerne sa gestion de la grippe A H1N1.
Psychomédia avec sources:
Le Monde, La Croix