La Journée mondiale des troubles bipolaires, qui se tient le 30 mars, est l'occasion de mieux faire connaître ces troubles qui toucheraient entre 1 et 2,5 % de la population, soit entre 650 000 et 1 650 000 personnes en France, selon la Fondation FondaMental.

Une plus grande sensibilisation est nécessaire car « on estime à 10 ans en moyenne le temps écoulé entre un premier épisode et l’instauration d’un traitement adapté », précise la fondation.

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Jusqu'à 40 % des personnes ayant un diagnostic de dépression pourraient en réalité souffrir d'un trouble bipolaire non diagnostiqué.

Deux types de troubles bipolaires sont distingués :

  • le trouble bipolaire de type 1 est caractérisé par des épisodes de manie (avec ou sans épisodes de dépression) ;

  • le trouble bipolaire de type 2 est caractérisé par des épisodes d'hypomanie (moins sévères que les épisodes de manie et alternant avec des épisodes de dépression majeure).

L'épisode de manie

Voici les critères diagnostiques du DSM-5 (1), manuel de référence pour les diagnostics en santé mentale, d'un épisode de manie qui caractérise le trouble bipolaire de type 1.

Critère A

Une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée, expansive ou irritable de façon anormale et persistante, avec une augmentation anormale et persistante de l’activité orientée vers un but ou de l’énergie, persistant la plupart du temps, presque tous les jours, pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire).

L’humeur est souvent décrite comme euphorique, trop gaie, élevée, ou comme une sensation d’être « au sommet du monde ». Dans certains cas, l’humeur est tellement communicative qu’elle est facilement perçue comme excessive, caractérisée par un enthousiasme sans limite et hasardeux pour les relations interpersonnelles ou professionnelles. Souvent, l’humeur prédominante est irritable plutôt qu’élevée, en particulier lorsque les souhaits de la personne maniaque sont contrariés. Des changements rapides d’humeur sur de brèves périodes peuvent se produire et sont qualifiés de labilité (c.-à-d. qu’il y a alternance entre euphorie, dysphorie et irritabilité).

Au cours de l’épisode maniaque, la personne peut s’engager dans plusieurs nouveaux projets qui se chevauchent. Rien ne semble hors de portée pour les personnes maniaques qui se lancent dans des projets malgré le peu de compétences qu’elles peuvent avoir sur le sujet. L’augmentation du niveau d’activité peut se manifester à des heures incongrues.

Critère B

B. Au cours de cette période de perturbation de l’humeur et d’augmentation de l’énergie ou de l’activité, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l’humeur est seulement irritable) sont présents avec une intensité significative et représentent un changement notable par rapport au comportement habituel :

  1. Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur.

  2. Réduction du besoin de sommeil (p. ex., la personne se sent reposée après seulement 3 heures de sommeil).

  3. Plus grande communicabilité que d’habitude ou désir constant de parler.

  4. Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent.

  5. Distractibilité (c.-à-d. que l’attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou non pertinents) rapportée ou observée.

  6. Augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice (c.-à-d. activité sans objectif, non orientée vers un but).

  7. Engagement excessif dans des activités à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex., la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).

L'estime de soi exagérée va d’une confiance en soi aveugle à une grandiosité marquée, pouvant atteindre des proportions délirantes. Malgré l’absence de toute expérience ou de talent particulier, la personne peut se lancer dans des tâches complexes telles que la rédaction d’un roman ou annoncer des inventions improbables. Des idées délirantes mégalomaniaques (p. ex. avoir des relations privilégiées avec une personne célèbre) sont communes.

Une des caractéristiques les plus fréquentes est une réduction du besoin de sommeil. Au cours de la manie, la personne peut dormir peu, voire pas du tout, ou peut se réveiller plusieurs heures plus tôt que d’habitude, et se sentir reposée et pleine d’énergie. Lorsque la perturbation du sommeil est grave, la personne peut passer des jours sans dormir, sans se sentir fatiguée. Souvent, une réduction du besoin de sommeil annonce le début d’un épisode maniaque.

Le discours peut être rapide, logorrhéique, bruyant et difficile à interrompre. Les personnes peuvent parler en continu, peu soucieuses des autres ni animées par l’envie de communiquer, elles parlent souvent de manière intrusive ou sans se soucier de la pertinence de leurs propos. Elles peuvent s’exprimer avec théâtralité et une gestuelle excessive. Si l’humeur est plus irritable qu’expansive, le discours peut être marqué par des plaintes, des commentaires hostiles ou des tirades colériques, surtout lorsque l’on tente de l’interrompre.

Souvent les pensées s’emballent à un rythme plus rapide que ce qui peut être exprimé par la parole. Fréquemment, la fuite des idées s’exprime par un lot accéléré de paroles presque ininterrompues, avec des changements brusques d’un sujet à l’autre. Lorsque la fuite des idées est importante, le discours peut devenir désorganisé, incohérent et source d’angoisses pour la personne. Parfois les pensées se bousculent tellement qu’il devient difficile pour la personne de s’exprimer.

La distractibilité se manifeste par une incapacité à censurer les stimuli externes de moindre importance (p. ex. la tenue vestimentaire de l’interlocuteur, des bruits ou des conversations de fond, l’aménagement de la salle) et empêche souvent les patients maniaques de tenir une conversation rationnelle ou de suivre des consignes.

L’hyperactivité orientée vers un but consiste souvent en des projets excessifs et un engagement dans de multiples activités. Une augmentation des comportements sexuels est souvent présente. La sociabilité est fréquemment accrue (p. ex. en renouant avec d’anciennes relations ou en téléphonant à des amis ou même à des étrangers) sans prise en compte de la nature intrusive, dominatrice et exigeante de ces interactions. Ils présentent souvent une agitation psychomotrice, une fébrilité s’exprimant par une activité stérile, en faisant les cent pas ou en tenant plusieurs conversations à la fois.

L’humeur expansive, un optimisme excessif, des idées de grandeur et le manque de discernement mènent souvent à des implications imprudentes dans des activités telles que des dépenses effrénées, une conduite dangereuse, des investissements commerciaux déraisonnables, et ce même si ces activités sont susceptibles d’avoir des conséquences catastrophiques.

Les deux critères A et B peuvent être accompagnés par des symptômes du pôle opposé (c.-à-d. dépressif). On parle alors d'un épisode de manie avec caractéristiques mixtes.

Critère C

La perturbation de l’humeur est suffisamment grave pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou des activités sociales, ou pour nécessiter une hospitalisation afin de prévenir des conséquences dommageables pour la personne ou pour autrui (p. ex. des pertes financières, des activités illégales, une perte d’emploi, des comportements préjudiciables), ou bien il existe des caractéristiques psychotiques.

Critère D

L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou à une autre affection médicale.

A noter qu'un épisode maniaque complet qui apparaît au cours d’un traitement antidépresseur (p. ex. médicament, sismothérapie) mais qui persiste et remplit les critères complets d’un épisode au-delà du simple effet physiologique de ce traitement doit être considéré comme un épisode maniaque et conduire, par conséquent, à un diagnostic de trouble bipolaire I.

Autres caractéristiques associées en faveur du diagnostic

Souvent, les personnes présentant un épisode maniaque ne se reconnaissent pas comme étant malades et refusent de manière véhémente toute tentative de traitement. Elles peuvent changer leur style d’habillement, de maquillage ou d’apparence physique ou avoir un style extravagant. Certaines personnes décrivent une perception plus aiguë des odeurs, des sons ou des stimuli visuels. Le jeu pathologique ou les comportements antisociaux peuvent accompagner un état maniaque. Certaines personnes peuvent devenir hostiles et physiquement menaçantes à l’égard d’autrui, et en présence d’idées délirantes devenir physiquement agressives.

L’humeur peut changer très rapidement vers la colère ou des affects tristes. Les symptômes dépressifs peuvent survenir pendant quelques instants, quelques heures ou plus rarement quelques jours (caractéristiques mixtes).

La manie liée à des substances ou des médicaments

Les symptômes ou syndromes maniaques qui sont imputables aux effets physiologiques d’un abus d’une substance donnant lieu à abus (telle que la cocaïne ou les amphétamines), aux effets secondaires des médicaments ou des traitements (tels que les stéroïdes, la L-dopa, les antidépresseurs, les stimulants) ou à toute autre pathologie médicale ne doivent pas être diagnostiqués comme un trouble bipolaire.

L'hypomanie

Dans l'hypomanie, les critères A et B de la manie sont rencontrés, mais la sévérité de l’épisode n’est pas sufisante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou social, ou pour nécessiter une hospitalisation. S’il existe des caractéristiques psychotiques, l’épisode est, par définition, maniaque. Le trouble bipolaire 2 est caractérisé par au moins un épisode de dépression majeure et un épisode d'hypomanie. (En présence d'un épisode de manie, il s'agit d'un trouble bipolaire de type 1.)

La cyclothymie

La caractéristique essentielle du trouble cyclothymique est une perturbation chronique et fluctuante de l'humeur qui implique des périodes de symptômes d'humeur élevée et des périodes de symptômes dépressifs qui ne sont pas assez sévères pour rencontrer les critères diagnostiques des épisodes d'hypomanie et de dépression majeure caractéristiques du trouble bipolaire de type 2.

Pour plus d'informations sur les troubles bipolaires, voyez les liens plus bas.

(1) DSM-5, 5e édition du « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », American Psychiatric Association, 2013. Traduction française : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Masson, 2015. La première édition du DSM a été publiée en 1952.

Psychomédia avec sources : DSM-5, Fondation Fondamental.
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