Tout allait merveilleusement bien. La veille, je jubilais intérieurement, en écoutant un délicieux CD de La Bottine Souriante. Ma vie était belle, plus que jamais. J'avais surmonté un deuil amoureux pénible, je m'en étais finalement sorti, tout seul. Mon admission en psychologie (paradoxal à ce qui suivra) à l'UQÀM était faite, j'étais accepté.
Je ne souffrais d'aucune névrose, psychose ou quelque affliction psychologique que ce soit. Je croyais être aussi en santé physique.
Le lendemain, je vis un malaise épouvantable à la cafétéria du cégep. Chaleurs, étourdissements, vertiges (tout bouge et tangue autour de moi), quasi perte de conscience, pâleur. Le lendemain soir, dans la crainte constante de me revoir face à ce malaise, ça me reprend. Direction urgence. Ma tension artérielle est extrêmement élevée (plus de 200/110) de même que mon pouls (dans les 150 bpm cependant stable). Mais je n'ai rien d'autre, mon malaise est totalement disparu, aucune douleur à la poitrine, mal de tête, essoufflement. Rien.
On me garde en observation, on me gave de pilules pour baisser ma tension et mes fréquences cardiaques et pour me détendre (ativants). Rien n'y fait. Après deux ativants, je me sens toujours nerveux et après 3 pilules contre l'hypertension, je suis toujours dans les 200/110 (la normale était 120/80). Je suis seul, loin de chez moi, stressé. De surcroît, on me met sous moniteur cardiaque, 4 infirmières et un médecin m'injectent un hypotenseur par intraveineuse. Mes tests sanguins et urinaires sont tout à fait normaux, tout est parfait. Et on me laisse là, seul dans cette chambre sombre et sordide, sous moniteur cardiaque. Deux jours auparavent, j'allais bien. Le samedi soir, j'ai peur.
Je finis par me calmer, sans dormir. Mon pouls baisse et ma tension aussi, légèrement. Le lendemain matin, on me laisse partir. Le médecin de garde vient me voir, avant que je ne parte et me parle. Il me prévient contre des risques d'ACV et d'infarctus (j'ai 18 ans). Spécifions qu'au mois de février (tout cela s'est passé au mois de mars), ma grand-mère, chez qui je résidais, est décédée d'un ACV. Il me prescrit aussi des tests qui, perspective peu rassurante, veulent vérifier la présence d'une tumeur aux reins.
Depuis cet épisode médical, je suis suivi en cardiologie et je surveille quotidiennement ma tension artérielle, comme mon grand-père le fait. Ma médication est ajustée (4 pillules par jour). On ne semble pas s'inquiéter d'autre chose que de ma tension. On croit que mes malaises étaient dus à des crises paroxystiques d'hypertension. On n'a pas cherché ailleurs. Mes tests aux reins n'ont rien révélé.
Depuis cet épisode médical, aussi, je me sens mal. Je crains, j'ai peur. Peur des maladies plus graves, peur de toute manifestation physique anormale (douleur, fatigue). J'ai l'impression de m'halluciner des palpitations, des douleurs thoraciques. Je songe, je songe trop. Et je vois une de mes collègues musicienne (17 ans) dépérir lentement et péniblement d'une foudroyante rupture d'anévrisme. La maladie et la morbidité m'entourent. J'ai peur, j'ai peur d'être le prochain, la prochaine mort subite.
Ça me terrifie. Lorsque je ne crains pas la mort, je crains les symptômes. Je suis anxieux, tout m'inquiète en moi. Des sensations que je connaissais avant me sont maintenant effrayantes. «Qu'est-ce que j'ai?» La fin de session fut longue et pénible dans cet esprit hypocondriaque.
Tellement hypocondriaque que j'ai l'impression que tout cela devient somatique. Je ressens des malaises modérés, des sensations étranges (vertiges brefs, impression de solitude, irritabilité, déprime même) et tout cela seulement lorsque je me mets à penser aux possibles maladies.
Pour ajouter à tout cela, mon professeur d'éducation physique, à qui j'ai transmis les ordres de ma cardiologue de ne pas effectuer d'exercices physiques violents (c.f. les tests d'aptitude physiques de fin de session) pour cause d'hypertension sévère, m'a laissé, avant les vacances, sur cette phrase: «Tu veux devenir psychologue? Il va falloir que tu fasses attention à ta santé si tu veux avoir le temps de finir tes études. Une crise de coeur à 25 ans c'est pas ben l'fun (sic).» Merci. Je m'en serais passée de celle-là. Ça ne fait que rajouter à mes craintes déjà trop envahissantes.
Pourtant, je suis suivi médicalement. Un diagnostique fut posé. Je sais que l'hypertension contrôlée rapidement n'est pas très dangereuse. Je n'ai pas eu d'autre gros malaises, tout semble aller mieux. Mais j'ai peur quand même. J'ai l'impression que la morbidité me guette et à ce sentiment se rattachent presque toujours des symptômes physiques plus ou moins forts. Cela me prend le soir, en me couchant, en fin d'après-midi ou quand je suis seul.
Tout cela me semble totalement irrationnel et anormal. J'ai vécu des événements difficiles cette session (un deuil et un deuil à venir de même qu'une déception amoureuse), j'étais vulnérable. J'ai été malade. Il faut croire que j'étais susceptible de devenir hypocondriaque (je déteste les hôpitaux, la maladie, je n'ai qu'une confiance très modérée en la médecine ("douce" ou "forte") et que cet épisode médical m'a simplement pris de court, dans ma vulnérabilité, et a rendu mon simple potentiel hypocondriaque en problème psychique complet.
Cela commence à nuire à ma vie. Je n'ai pas besoin de cela en plus du reste. Je me sens bien quand je bouge, quand je suis en autobus, en train, en auto, quand je voyage, quand je ne pense pas. La dépression ne me guette pas encore. J'ai pleins d'espoirs en la vie, fondamentalement je me sens optimiste. Mais tout s'écroule pour quelques heures quand je me mets à m'inquiéter et à m'imaginer (fort probablement, du moins, je l'espère) des maladies épouvantables et des crises de ceci et de cela.
Je me sens devenir un Woody Allen. Je crois que des visites chez mon médecin de famille et un psy (je vais essayer la clinique psychologique de l'UQAM, quelqu'un connais?) s'imposent.
Sinon... Suis-je seul à vivre ce pénible état hypocondriaque?
David