Je crois qu'il ne faut pas trop simplifier le trouble de personnalité limite (borderline). Chaque personne le vit de façon très différente, et même les psychiatres sont souvent incapables de le diagnostiquer correctement, puisque beaucoup des symptômes de ce trouble se retrouvent dans diverses autres troubles de personnalité ou maladies mentales. Pour ma part, bien que je réussis de mieux en mieux à gérer ce problème et que je vis assez bien en général, je peux facilement vous dire comment j'étais (et que je suis encore par moment):
1 - Jusqu'à récemment, je n'avais aucune estime de moi-même la plupart du temps, surtout dans mes relations avec les autres, au travail et avec ma relation avec mon corps. J'avais toutefois une confiance inébranlable en mon intelligence, mon talent artistique et je croyais (crois encore) dur comme faire que j'allais réalisé quelque chose de grand dans ma vie. C'est un peu ça que veut dire passer de l'idéalisation à la dévalorisation. Je passais d'un extrême à un autre vis-à-vis de moi-même, voyant souvent la vie comme des montagnes russes entre des réussites remarquables et des échecs écrasants. Mais j'avais également tendance à idéaliser les autres dans les moments où ils étaient affectueux, qu'Ils étaient là pour moi, que nous avions du bon temps ensemble. Puis, dès que je sentais la moindre distance, physique (surtout en amour) ou psychologique s'installer entre nous, je paniquais et j'avais le sentiment étouffant que j'allais mourir, réellement mourir, si la personne ne m'aimait plus, ne voulait plus me voir. Et ce même s'il ne s'agissait que de se quitter pour la nuit alors qu'on allait se revoir le lendemain... J'avais atrocement peur de la solitude et tout le temps que je passais seule (par obligation, pas par désir), je le remplissais de toutes les façons que je trouvais (souvent pas très positives....).... Par exemple, par une sexualité excessive avec des étrangers, des "dates" à n'en plus finir, par des sorties avec des amis que je voulais toujours excitantes et très intenses (marcher sur la Ste-Catherine à Montréal à 3h du matin, alors que nous étions deux femmes seules...), en me réfugiant dans les livres pour oublier la réalité, en multipliant les activités simultanées (multi-tasking en anglais), en mangeant, etc...La liste est interminable.
Du point de vue amical, j'ai perdu beaucoup de mes amis de jeunesse parce que dans le temps, j'avais un comportement complétement aberrant aux yeux des autres, alors qu'intérieurement je souffrais horriblement, mais ils ne le voyaient pas évidemment. Le problème, c'est que les gens qui souffrent du trouble borderline ont souvent l'air des gens plein d'énergie, d'enthousiasme, de charisme, séducteur, expressif, émotif...Ce qui, au premier abord, plaît à beaucoup de gens. Certains aiment le fait que la personne met du piquant dans sa vie, d'autres aiment se régaler des nombreuses frasques de la personne qui a ce trouble...Pour le moins que la personne borderline soit évoluée, elle cherche sans arrêt ce qui ne va pas chez elle, elle lit des livres sur des méthodes pour contrôler ses émotions, sa colère, ses relations...Elle dépend souvent des autres, pouvant aller jusqu'à s'en remettre totalement aux autres, à délaisser son besoin d'autonomie. C'est comme une façon inconsciente pour elle de se prouver que des gens tiennent à elle... Souvent, la personne est dépendante affective, ou plutôt codépendante, c'est à dire qu'elle a de la difficulté à respecter les limites personnelles des autres et, à respecter ses propres limites et à les faire respecter. Ainsi, de façon contradictoire, alors qu'elle ne souhaite qu'être aimée et sécure, elle choisit souvent des partenaires qui sont distants, qui ont un ou des blocages émotifs, qui ont des problèmes relationnels divers, qui ont des dépendances (drogue, jeu, alcool, sexe, porno, internet, etc.) et qui sont ainsi incapable de lui donner ce dont elle a besoin sur le plan affectif et souvent sur d'autres plans. Elle reproduit souvent ainsi ce qu'elle a vécu dans la relation avec ses parents, elle désirant plus que tout leur affection alors qu'ils demeuraient distants, voire hostiles. Mais dès qu'elle sent la moindre possibilité de rejet, d'abandon (dans n'importe quel type de relation), elle va avoir tendance à réagir soit en tentant d'abandonner l'autre en premier (ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en souffrira pas atrocement), soit en étant submergée par une immense colère qui se transforme en agressivité et parfois en violence physique. Mais le plus souvent ce sera sous forme de violence verbale qu'elle va manifester cette colère, tout simplement parce qu'elle n'est plus capable de la contenir, c'est une trop grande accumulation, sa colère demande à sortir. La personne n'a souvent aussi pas eu de modèle positif parental au niveau du vécu des émotions et ne sait donc pas comment gérer et encore moins se libérer de ses émotions négatives. En plus, comme si ce n'était pas suffisant, au moment même où elle est en colère, elle se méprise atrocement, puisqu'elle sait que tout ce qu'elle veut c'est qu'on la rassure, qu'on l'aime, et que son comportement est contre-productif. Mais c'est plus fort qu'elle (attention, je ne dis pas que ça ne peut pas finir par s'améliorer!). Et souvent, le fait que la personne se méprise augmente encore d'autant sa colère, qui doit trouver un exutoire et qui le trouve souvent dans son entourage très proche. La personne est instable émotionnellement, souvent professionnellement (beaucoup de haut et de bas, très stressée, anxieuse, inconstante dans sa performance, dans son intérêt envers son travail, etc.). À cause de son incapacités à connaître les limites des autres et les siennes, elle parait souvent sans inhibition aucune, peut parfois "gêné" son entourage parce qu'elle parle beaucoup, ou parle fort, etc.
C'est un trouble très complexe et très variable dans ses manifestations dont je n'ai énuméré ici rien d'autres que ce que j'ai vécu, et je ne crois pas que vous devriez émettre un diagnostic pour la personne que vous connaissez. De toute façon, si elle ne vous en parle pas, elle n'est sans doute pas prête à admettre qu'elle a un problème et ne fera que vous en vouloir. Elle prendra ça comme un rejet de ce qu'elle est, et ça ne fera que l'enfoncer. Si elle se pose déjà des questions sur ce qui peut être son problème, suggérez-lui ce site et elle finira bien par trouver quelque chose qui fera un déclic en elle et à partir de là, elle sera capable de faire les démarches nécessaires lorsqu'elle sentira qu'elle n'est vraiment plus capable de vivre ainsi. Vous pouvez être attentif, présent, l'aider (sans lui retirer aucune part de l'autonomie qu'elle peut avoir!!), la conseiller gentiment si elle vous le demande, mais sinon, vous ne pouvez pas prendre sa vie en main pour elle. Prenez garde, parce que si votre amie est réellement borderline, il se pourrait que vous soyez dans une relation codépendante (peu importe le type de relation)... Prenez soin de vous regarder en premier, vous ne l'en aiderez que mieux!
Bonne chance et n'hésitez pas à me contacter si vous avez d'autres questions