Environ un Montréalais sur 4 consommerait une certaine forme d'antidépresseur (!?) et ces médicaments, transportés par les canalisations d'eau, ont un effet sur les poissons du Saint-Laurent, selon une étude canadienne publiée dans la revue Chemosphere.
Des études précédentes ont montré que les poissons accumulent des résidus d’antidépresseurs dans leur foie et leurs muscles. La présente étude montre que ces résidus s'accumulent également dans les tissus du cerveau au point d’altérer certaines activités.
Sébastien Sauvé et André Lajeunesse de l'Université de Montréal (Québec) ont mené une expérience, dans des bassins aménagés à l’usine d’épuration des eaux de la Ville de Montréal, qui comparait les tissus de truites mouchetées exposées pendant trois mois aux effluents d’eaux usées de la ville de Montréal à ceux de truites soumises à des rejets traités à l’ozone et de truites gardées dans des bassins sans effluent.
Des traces de six antidépresseurs – Prozac, Praxil et Effexor, notamment – ont été trouvées. Les concentrations étaient moindres dans les poissons exposés à l’eau issue du traitement par ozone. Mais ce processus génère de nouvelles molécules pour lesquelles les effets sont ignorés, indique le professeur Sauvé.
Un biomarqueur intervenant dans la régulation du neurotransmetteur sérotonine - qui joue un rôle dans l'humeur, la dépression, l'anxiété et la douleur - montrait que l'activité cérébrale des poissons était altérée.
L'impact de ces médicaments sur les poissons et sur l'écosystème du fleuve Saint-Laurent demeure inconnu.
Montréal possède un réseau d'égout très rudimentaire, explique le chercheur. Pratiquement seules les matières solides sont retirées et l'eau ne fait l'objet d'aucune désinfection. Mais de toute façon, la structure chimique des antidépresseurs les rend très difficiles à éliminer des eaux d'égout, même en utilisant les systèmes les plus sophistiqués, dit-il.
L'étude était financée par le Plan de gestion des produits chimiques de Santé Canada, le Plan d'action Saint-Laurent et la Fondation canadienne pour l'innovation.
En septembre dernier, une étude de l'Université d'Ottawa, publiée dans la revue Aquatic Toxicology, montrait que l'antidépresseur Prozac (fluoxétine) bloquait l'attraction sexuelle et entravait la reproduction chez les poissons rouges. Les installations de traitement des eaux usées actuelles, indiquait le professeur Vance Trudeau, un des auteurs, ne sont pas conçues pour éliminer ces traces de médicament. Mais certains pays comme l'Allemagne, disait-il, ont adopté une approche de tolérance zéro vis-à-vis la pollution de l'environnement par les produits pharmaceutiques. Leurs stations d'épuration investissent dans l'équipement coûteux nécessaire pour filtrer les médicaments.
Psychomédia avec sources:
UdeMNouvelles, Rue Frontenac
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