Comment les conflits évoluent-ils à partir des incompatibilités ? Nous poursuivons l'analyse de Christensen et Walczynski (1997). Au début de la relation, les partenaires ont tendance à essayer de s'accommoder l'un l'autre lorsqu'ils font face à des incompatibilités. Ils peuvent ne pas trop vouloir mettre à l'épreuve leur relation qui leur apporte beaucoup de satisfaction et accepter plus volontiers les pertes temporaires de gratifications impliquées par l'accommodation aux incompatibilités. Mais à mesure qu'ils s'habituent l'un à l'autre, qu'ils connaissent une «érosion des renforcements» et qu'ils font face à des incompatibilités qui ont des implications assez importantes, ils peuvent vouloir contraindre l'autre à se comporter selon leurs désirs, ce qui risque d'être le début d'une escalade.
La coercition
La coercition consiste, pour un partenaire, à exercer une pression pour amener l'autre à se comporter selon ses désirs. Par exemple, Mark accuse Dena d'être isolée socialement et de ne pas être supportante pour lui jusqu'à ce qu'elle accepte de l'accompagner dans un party de travail. Ce résultat positif renforce Mark dans son comportement de critiquer et de rabaisser. Le comportement de Dena, celui de céder à la demande de Mark, est aussi renforcé car les critiques ont cessé. Dans l'avenir, ces comportements auront donc tendance à se reproduire.
Mais le processus peut devenir plus compliqué. En acceptant d'accompagner Mark, Dena s'expose à une expérience inconfortable pour elle. Elle peut ainsi refuser d'aller à certaines soirées qui lui semblent particulièrement désagréables. En faisant cela toutefois, elle fournit un renforcement intermittent aux critiques de Mark. Il s'agit d'un phénomène connu en psychologie comportementale (behaviorale) qu'un renforcement intermittent amène une recrudescence du comportement ainsi renforcé. Il y a donc une recrudescence des critiques de Mark. Un autre phénomène amène Mark à augmenter ses critiques. Au début de la relation, Dena pouvait être influencée par une légère manifestation de désapprobation de sa part. Mais à mesure qu'elle devient habituée et expérimente le désagrément de ces sorties, elle peut ne céder que s'il augmente l'intensité de ses critiques. Par ailleurs, la coercition n'est pas à sens unique. Dena peut s'efforcer de contraindre Mark à se comporter comme elle le souhaite dans certains domaines. Elle peut, par exemple, être distante avec lui s'il ne passe pas autant de temps avec leur fils qu'elle le juge approprié. Avec le temps, alors que les deux s'efforcent de contraindre l'autre, leur relation peut devenir de plus en plus marquée par des interactions négatives.
L'attribution de défauts
À mesure qu'ils vivent cette escalade des échanges coercitifs, les partenaires, réfléchissant à leurs relations conflictuelles, auront tendance à mettre la faute sur l'autre, à le considérer responsable du problème. Dena va conclure que Mark est égoïste et manque de considération, que c'est la raison pour laquelle il insiste pour qu'elle aille à ces soirées superficielles et ignore ses sentiments par rapport à ces soirées. C'est d'ailleurs son égoïsme qui explique, considère-t-elle, pourquoi il ne passe pas plus de temps avec leur fils. Mark, de son côté, peut conclure que Dena est insécure et névrosée, que c'est la raison pour laquelle elle est si intimidée par les événements sociaux. Il se demande d'ailleurs si elle ne va pas transmettre ces traits à leur fils en le surprotégeant et en l'empêchant de développer de l'indépendance. Les différences entre eux sont devenues des défauts.
Leurs discussions concernant les sorties et le temps passé avec leur fils vont devenir pleines d'accusations, de défenses contre ces attaques et de contre-attaques. De plus en plus, les conflits impliquent des désaccords sur la cause de leurs problèmes. Les sujets de leurs disputes deviennent l'égoïsme, l'insécurité, etc.
La polarisation
À mesure que le conflit évolue, les partenaires auront également tendance à devenir plus polarisés dans leurs positions. Les conflits mènent à des privations qui peuvent intensifier les désirs. Comme Mark est privé d'aller à des sorties avec son épouse, il peut porter plus d'attention à ces événements et développer des justifications plus élaborées. De l'autre côté, à mesure que Dena vit de la pression et défend sa position, tout désir de sorties sociales peut être perdu. On en viendrait à croire que Dena n'a aucun désir de contacts sociaux alors que ces contacts sont ce qui compte le plus dans la vie de Mark. Ainsi leurs façons de réagir à leurs différences les amènent à sembler encore plus différents.
Un autre processus qui peut amener la polarisation, c'est-à-dire l'amplification des différences, est la division des tâches qui résulte de ces différences. Par exemple, parce que Dena passe plus de temps avec leur fils que Mark, elle le connaît mieux, est plus confortable avec lui et a plus le tour de faire des activités agréables avec lui. Cette différence dans les habiletés aura tendance à s'amplifier. Dena passe plus de temps qu'elle ne le ferait normalement, pour compenser les lacunes de Mark. Par ailleurs, Mark étant moins habile, peut se faire critiquer facilement par Dena. Il peut ainsi avoir encore moins le goût des activités avec son fils, ce qui ne l'aide pas à développer ses habiletés.
Ainsi, à travers les processus
de coercition, d'attribution de défauts et de polarisation, les
différences inévitables entre les conjoints peuvent escalader
en conflits jusqu'au point de miner la satisfaction par rapport à
la relation et, à l'extrême, mener à la séparation.
Le modèle présenté ici est très général.
Plusieurs facteurs peuvent influencer et complexifier les processus de
conflits.
Partie 1: Importance des conflits
Partie 2: Les réactions néfastes aux conflits
Partie 3: L'apparition des conflits d'intérêt
Partie 5: Les facteurs influençant les conflits
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Relations de couple.