Dans une tribune publiée sur le site Slate, 314 « enseignantes et enseignants du primaire, du secondaire, du supérieur et du français langue étrangère » déclarent avoir cessé ou s'apprêter à cesser d'enseigner la règle de grammaire résumée par la formule « Le masculin l'emporte sur le féminin ».

Le manifeste est publié à l'initiative d'Eliane Viennot, chercheuse en histoire de la littérature.

Il propose une grammaire inclusive (les infirmiers et infirmières sont fatiguées), qui est à distinguer de l'écriture inclusive (fatigué-e-s) que l'Académie française a récemment désapprouvée.

La proposition repose sur trois raisons :

  1. « La première est que cette règle est récente dans l'histoire de la langue française, et qu’elle n’est pas nécessaire. Elle a été mise au point au XVIIe siècle. Auparavant, les accords se faisaient au gré de chacun·e, comme c’était le cas en latin et comme c’est encore souvent le cas dans les autres langues romanes. »

    Bien souvent, l'accord « de proximité », était utilisé. Venu du latin, il consiste à accorder le ou les mots se rapportant à plusieurs substantifs avec celui qui leur est le plus proche.

  2. « La seconde raison est que l’objectif des promoteurs de la nouvelle règle n’était pas linguistique, mais politique : “Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif.” (Dupleix, Liberté de la langue françoise, 1651) ; “Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle” (Beauzée, Grammaire générale… 1767). »

    « Si l'école de la République a préféré abandonner cette formule au profit de celle qu'on connaît, c'est en reconduisant l'ordre de valeur qui est à son fondement. Un ordre que les classes politiques maintenaient parallèlement, en refusant aux femmes les droits politiques jusqu'en 1944, et en refusant plus longtemps encore de leur ouvrir les grandes écoles ou d'abroger les dernières dispositions du “Code Napoléon”. »

  3. « La troisième raison est que la répétition de cette formule aux enfants, dans les lieux mêmes qui dispensent le savoir et symbolisent l’émancipation par la connaissance, induit des représentations mentales qui conduisent femmes et hommes à accepter la domination d'un sexe sur l'autre, de même que toutes les formes de minorisation sociale et politique des femmes. »

« D’autres mesures travaillant à l’expression d’une plus grande égalité dans la langue sont nécessaires, mais le plus urgent est de cesser de diffuser cette formule. »

Quelles alternatives ? Les signataires déclarent « enseigner désormais la règle de proximité, ou l’accord de majorité, ou l’accord au choix. »

Ils appellent les enseignantes et les enseignants de français ainsi que les professionnelles et les professionnels de l'écriture, partout dans le monde, à renouer avec ces usages.

Sur Slate : « Nous n'enseignerons plus que “le masculin l'emporte sur le féminin” ».

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